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  • Photo du rédacteurJulie Lemaitre

Récit d'un père. La naissance d'Ilan. Par Simon Grumet




Tu t’appelleras Ilan. Pour l’instant, ce n’est qu’un mot. Un prénom lu dans un livre. Je ne suis pas sûr… Je ne sais pas. Dans le ventre de ta mère, tu te prépares.Sais-tu ce que tu vas devoir traverser pour apparaître au monde ?As-tu hâte, le redoutes-tu, ou es-tu simplement dans la plus douce des insouciances ? Nous, nous t’attendons. L’attente se fait longue, et en même temps elle nous place déjà dans cet interstice qui caractérise l’espace-temps autour d’une naissance Nous sommes tous deux entièrement disponibles à t’accueillir. Nous t’attendons. L’attente se fait longue. Nous voulons que quelque chose se passe. Ça nous obsède. Nous sommes impatients. Non que je sois impatient de te découvrir, cette attente-là est un délice, mais quand l’heure se fait proche, ta venue au monde devient nécessité.Une nécessité pour que notre projet de t’accueillir ici, en toute simplicité, puisse ÊTRE. Pour que les grandes personnes ne se mettent pas à s’affoler et à vouloir « faire », être responsables, agir, intervenir, interférer, … tout gâcher… C’est cette crainte-là qui donne du poids à l’attente. La crainte du protocole. Nous on l’imagine bien notre petit protocole…Alors on attend. On y croit. On t’invite.


Et puis, tout arrive, en tempête.


L’épaisseur de l’air change, l’instinct se réveille. Les sens se mettent en alerte. L'événement est là.On ne peut plus douter. L’humeur s’alanguit. Ta mère se transforme.L’extérieur s’efface et se réduit à une autre dimension avec laquelle les liens s’amenuisent. Celle qui nous unit avec le monde, notre guide, Sybille, nous la savons pas loin. On est en contact. Elle veille.


Et la transformation continue. Sortie de bain, tout est prêt. L’atmosphère propice s’est mise en place d’elle-même. Lumière douce, chaleur, sérénité en perfusion. Respire… Que vis-tu ? Où en es-tu ? T’en remets-tu à la vie ou es-tu dans l’action, dans l’effort, dans l’intention ?Moi, ton Papa, puis-je t’aider ? Des mémoires m’accompagnent, je crois. Celles des ancêtres, celles du règne animal, de l’ensemble du vivant. Être là, pleinement. Faire bloc avec ma femelle. Ne plus défaire le contact. Être la force qui rassure, la douceur qui enveloppe. La confiance. Je ne sais pas ce que tu envoies à ta mère, en intraveineuse, et ce qui relève de ses propres ressources, mais ce qui se joue là me dépasse complétement. Je me sentirais éternellement petit et humble devant une femme qui accouche. Ce n’est plus un corps que j’étreins, c’est un canal tellurique. Je ne peux m’en décoller et reçois tout de plein fouet. Le tremblement, la secousse. Le déferlement par vagues qui me donne tout mon rôle et exige toute ma présence, toute ma chaleur, tout mon dévouement. Le corps de ta Maman est une montagne immense de courage et de force, un torrent de fluide. Un volcan en éruption.Je m’en nourris pour rester dans l’instant. La décision de ne pas briser cette transe tombe comme une évidence. Nous t’accueillons tous les deux car tout nous y invite. La confiance n’est pas conscientisée. Nous somme la confiance. Nous sommes l’énergie du vivant, et ce moment est fait pour que tu viennes au monde.


Alors tout s'enchaîne. La vie décide. Le « faire » s’estompe. Plus de geste logistique. Les langes, les eaux, les fluides, sont écartés, et advienne que pourra. Être pleinement dans l’instant. Et d’un coup, nos trois corps se rejoignent et fusionnent. Ta tête est là, je la touche, je la chéris.Et à mon tour, je pars. Ce n’est plus ma voix qui s’emballe, je m’entends comme depuis l’extérieur, mon corps a besoin de dire ce qu’il se passe, de dire à ta mère la fierté, la beauté, l’émerveillement, l’encouragement. La transe reste consciente, à demi monde entre réel et enchantement, mais l’émotion est explosive, la libération totale. Le vent cosmique qui déferle mêle en emmène tout. La vie enveloppe la mort, l’instinct étouffe le doute, la confiance sublime la peur.Et d’un coup, tu es là.Et tu es l’évidence de l’instant.Au moment où ta peau rencontre l’air, tu respires et tu vis ! Et tu inondes la pièce de l’énergie la plus formidablement puissante qui existe. Celle qui instantanément s’insinue au plus profond de nous, tes parents, encore sidérés de ce qu’ils viennent de traverser, et qui instantanément rayonne dans l’univers, en cadeau au vivant. Tu es là !


La magie du vivant a encore une fois accompli La Destinée et soufflé la vie à un nouvel Être, Parfait, Unique. Mélange de nous, de tout ce qu’il y a avant, et de tout ce qu’il y a après.


La lucidité revient. Tu es notre enfant. Sybille doit venir, maintenant. Elle est là. Elle nous a permis ça. Par sa bienveillance, sa confiance transmise, par sa veille, tout près, discrète, maternelle. Quel cadeau !Encore et sans fin, on te regarde. Ta mère, apaisée après l’ouragan qui a traversé son corps en même temps que toi. Moi, fier, au-delà de fier, de toi, d’elle, de nous.

Ilan. Tu t’appelleras Ilan, on te voit maintenant, et on ne doute plus. Ilan, ce n’est plus un mot, plus un prénom lu dans un livre. C’est toi, mon petit bout d’Homme, sang de mon sang et de l’union de deux êtres qui s’aiment à en fabriquer de la vie. De la Vie Pure.Je t’aime tant mon Bébé. Bienvenue, entière bienvenue dans nos vies. Je t’aime tant mon Bébé.

Ton Papa.

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